watts lucy
Née en 1988. Vit et travaille en Isère
Œuvre
«Chaque jour, la publicité nous parle, nous envoie des messages, nous conseille, nous ordonne. Le marketing, les relations publiques et leurs innombrables opérations de communication nous inondent et nous influencent. Cette propagande s’est imposée petit à petit dans notre environnement. Bâches publicitaires XXL, mobilier urbain, prospectus invasifs, produits dérivés, slogans accrocheurs, placements de produits et opérations psychologiques sont autant de supports et de stratégies devenus banals et intrusifs. En réponse à cette communication de masse, subie de manière répétitive, je crée des images empruntant et détournant le langage et l’esthétique publicitaires pour mieux les critiquer. Cette image pose la question : « comment résister à cette communication ? ».
Je favorise un processus de fabrication artisanal et « bricolé », choisi pour sa dimension créative et politique. Il se développe d’une image imprimée à la main une certaine force et une certaine vibration, grâce à la qualité des encres, à l’intensité des couleurs et des superpositions. Il me plaît qu’une image soit multiple. Le fait que mes images soient diffusées - imprimées ou publiées - ajoute du sens à ces dernières. » Le scaphandrier représenté ici flotte devant un mur d’écrans cathodiques : se protège-til lui-même de ce flux d’informations ou regarde-t-il le monde à travers sa bulle ?
OEuvre réalisée en collaboration avec Michael Woolworth (Paris).
Biographie
La matière première de Lucy Watts est l'information, qu'elle collecte sur un mode malicieux et critique. Elle épingle les produits invraisemblables créés par la société de consommation, les statistiques en tous genres, l'invasion des messages marketing, dont nous ne percevons plus l'insistance ni l'incongruité par habituation . Son travail consiste à les reproduire dans un autre cadre, à l'aide de techniques lentes, comme le dessin ou l'estampe : sérigraphie, lithographie, des supports qui sont aussi capables de mobilité et accusent une faible valeur marchande.
La force du propos vient certainement de ce que Lucy Watts n'invente rien : tous les sujets relevés ont existé. La simplicité du travail plastique accompagne et amplifie la brièveté des messages. Le dessin est clair et laisse poindre l'approximation manuelle ; les couleurs en aplats se tiennent à l'intérieur du contour. Ce style légèrement comics, appliqué à des camemberts statistiques ou des produits publicitaires a de quoi entamer leur crédibilité. La visée de l'artiste est claire. Il ne s'agit pas seulement de montrer les stratégies à l'œuvre dans le monde du message, ou la crédulité des consommateurs que nous sommes, ce qui reviendrait à affaiblir l'art en l'entraînant sur le terrain de la morale. C'est plutôt notre "instinct statistique" qui est révélé, cette fonction acquise qui entraîne vers une « rationalité déraisonnable » justifiant tout.
Le dérèglement est un autre mécanisme de prédilection pour cette jeune artiste d'origine anglaise, sensible au nonsense. Rompue aux techniques de l'estampe (la lithographie notamment), elle utilise les ressources de cette technique pour emmêler les propositions et approcher du territoire de l'absurde : des schémas statistiques répondant à un code couleurs changent de couleur selon les épreuves, annihilant leur lecture ; une affiche publicitaire pour animaux est tirée en différentes couleurs, présentées côte à côte. Ce dérèglement de la mécanique informative, habité par l'humour, produit l'effet salutaire d'exposer, au-delà des dessins, l'omniprésence de fausses vérités, justifiées par des schémas tout aussi fallacieux, ou l'absurdité d'une créativité investie dans la consommation. De nous rendre, donc, pour un temps, ou pour longtemps, notre humour et notre acuité critique. »
A . B . C . D . E . F . G . H . I . J . K . L . M . N . O . P . Q . R . S . T . U . V . W . X . Y . Z
Œuvre
Submergé, 2019, N° 16/55 exemplaires
Don du CNAP
Lithographie ; [80x120 cm]
Cote: 981 WAT